Article Ligne Claire

La Crevette, tout est une question d'usage
Une comédie de moeurs décomplexée pleine d'humour, et non dénuée de réalisme sans occulter de tabous. La Crevette c'est comme dirait Pierre Perret une affaire de zizi, enfin de taille surtout. Salomone dont on trouve que le dessin a bien évolué, a pris un joli rythme de croisière illustre ce conte sur les différences parfois invisibles mais qui se constatent finalement dans l'intimité après avoir gâché la vie de jeunes ados. C'est l'inégalable Zidrou au talent si diversifié (La Bête) qui s'est emparé de la chose, enfin du scénario. Une fresque très bien mise en scène, à la narration parfaitement construite ramenée à la fin des années 50. Un autre monde pourtant pas si désagréable.
Deux jeunes hommes en Gille de Binche dont le couple pour l'un bat de l'aile. Cocu Yvon qui en prime se prend un camion dans la poire. La nature fait des bêtises, fabrique des horreurs, c'est son droit à l'erreur, taquine et il faut faire avec, nez tordu, grosses oreilles, bouche de travers ou pire. Se faire traiter de Quasimodo ou de Frankenstein c'est pas joyeux. 1958 la France grelotte mais cela ne gène pas la narratrice jolie mannequin en sous-vêtements dans une vitrine de chez Divine de Paris dirigée par Madame Ledoyen. Aline est très mignonne comme sa copine délurée Brigitte à. forte poitrine, vendeuses chez Divine. Mais Aline c'est plutôt comme elle dit des oeufs sur le plat ses seins, du bonnet F. Elle fait une fixation et en parle à Toinette surnom de la mannequin. Car toutes dans les vitrines ont des surnoms. Le patron Monsieur Séraphin est un grognon. Il déteste les enfants et le retard. Augustin Chabrol est dessinateur de sous-vêtements, de préférence sexy. Il y a aussi le femme de ménage désagréable qui a un mouflet qui l'insupporte, un gentil de cinq ans.
La pièce peut commencer, les personnages et les décors du quartier sont plantés. Le rideau est levé sur la scène de ce réjouissant one-shot qui va dévoiler une crevette par hasard. Mais un malheur peut parfois apporter après quelques épreuves le bonheur. Mais chut. On sourit, on est ému, on adore Aline et Séraphin. Tout l'album en fait, est réjouissant dans le style des comédies de l'époque sur fond de Be-Bop-à-Lula et de Gréco. Toinette elle-aussi apporte son charme immobile. Quand le vin est tiré comme dit Aline il faut le boire, surtout quand il est bon. Et la vérité se doit d'être nue. Un philosophe Zidrou.
Jean-Luc Truc
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